Une Oasis d’Inclusion : L'Initiative de la Terrasse Verte

Une Oasis d’Inclusion : L'Initiative de la Terrasse Verte

Dans les premières semaines de la guerre des Épées de Fer, au milieu de la tourmente et de l'incertitude qui s’ensuivirent, une initiative remarquable fut prise sur le campus relativement déserté du Mont Scopus de l'Université hébraïque. Trois enseignants et un éventail d'étudiants venus d’horizons divers entreprirent de créer un espace inclusif de collaboration – la première terrasse verte de l'université – diffusant ainsi des ondes d'espoir à la communauté du campus tout entière.

Écrit par : Keri Rosenbluh


À la suite des appréhensions des étudiants quant à leur retour sur le campus en pleine guerre, au milieu des tensions croissantes, le Dr Michal Braier et le Dr Noga Keidar de la clinique urbaine de l'Université hébraïque, ainsi que le Dr Diego Rotman, chef du département d'études théâtrales, ont collaboré pour créer un cours dont l’urgence se faisait particulièrement sentir : « Créer un espace inclusif en temps de guerre : la Terrasse verte sur le campus du Mont Scopus ».

Ayant perçu chez les étudiants un besoin profond de lien et d’appartenance communautaire, le trio d’enseignants s'est efforcé de créer un refuge où les étudiants de tous horizons pourraient se retrouver à travers l'apprentissage et l'action partagés. L'idée était que, à un moment où les plaies étaient encore si vives, agir de concert serait plus efficace que de simplement dialoguer pour désamorcer les tensions.

Le cours a été ajouté au programme du département d'études théâtrales de la faculté des humanités un mois à peine avant le début prévu de l'année académique, qui avait été reporté en raison des de la guerre et de ses conséquences. Il a été financé grâce au généreux soutien du philanthrope Lawrence Neubauer.

En l'espace de quelques semaines, et malgré moult obstacles bureaucratiques, le cours a rapidement pris de l’ampleur, attirant plus de cent candidats de milieux et de disciplines académiques variés. Au final, quarante-cinq étudiants – représentant à la fois des identités arabes/palestiniennes et israéliennes/non-arabes – ont été sélectionnés pour entreprendre un voyage collectif d'exploration.

Fin novembre 2023, la tenue de la séance d'ouverture était entachée d'incertitude suite à une attaque terroriste à Jérusalem ce même matin.  Malgré tout, les enseignants ont décidé de procéder comme prévu. « À cause des événements qui se sont produits ce matin-là, nous avons ressenti l'obligation de continuer comme prévu », nous confie le Dr Rotman. « Nous voulions démontrer aux étudiants que se réunir pour apprendre et créer est non seulement faisable mais essentiel, même au milieu de l'adversité, et malgré nos peurs ».

Six semaines durant, les participants ont participé à des conférences, des discussions et des activités pratiques tout en explorant des thèmes tels que l'art, la performance, l'écologie, la création de lieux, l'activisme communautaire, et bien plus encore. Trouver l'emplacement idéal a constitué un défi, mais la persévérance des enseignants a payé. Ils ont obtenu un espace sur le toit du bâtiment Rabin, offrant une vue panoramique sur le campus de l'Université hébraïque, les quartiers de Jérusalem-Est et le lointain désert de Judée.

Pourtant, la terrasse verte offrait plus qu'un simple espace physique ; elle est devenue un sanctuaire où les étudiants pouvaient se déconnecter de la réalité chaotique dans laquelle ils se trouvaient plongés et se concentrer sur leur humanité partagée. Sous le ciel hivernal du Moyen-Orient, avec une musique propre à créer une atmosphère propice, les étudiants retroussèrent leurs manches et mirent la main à la pâte, plongeant dans le travail et le dialogue. Au milieu de boutures de plantes, de jardins botaniques et de serres, des liens essentiels se sont développés.

Tout au long du cours, les étudiants n’ont pas seulement pris part à des exposés académiques, mais ont également partagé leurs histoires et leurs expériences personnelles. Un moment intense a marqué le deuxième cours, lorsque les étudiants ont été invités à présenter des boutures de plantes ayant une signification ou un symbolisme personnel. Une étudiante a apporté une bouture symbolisant le jardin de sa grand-mère, une autre a montré une plante de géranium d'une ferme dans la bande de Gaza, tandis qu'une troisième tenait une branche d'olivier, symbole de paix et d'amitié. La terrasse sur le toit, nourrie par la contribution collective des participants au cours, est devenue une représentation tangible des expériences et perspectives diverses des étudiants.

Pour beaucoup, l'initiative de la Terrasse verte a été une expérience transformatrice. Une étudiante palestinienne, Manar Mtour, initialement sceptique quant à l'interaction avec ses pairs juifs israéliens, a relaté qu'elle avait noué des liens authentiques pour la première fois depuis le début de ses études à l'université. Pour elle et d'autres, ces liens ont transcendé les limites de la terrasse pour évoluer en amitiés au sein d'une communauté plus large qui avait accompli quelque chose de significatif, ensemble.

De plus, la plupart des étudiants ont rapporté que leur participation au cours pré-semestriel leur avait permis de commencer leur semestre universitaire avec un calme et une sérénité dont leurs homologues, qui n'avaient pas participé au cours, étaient dépourvus. Eux avaient à leur actif six semaines passées sur le campus dans les mois précédents, qui leur avaient permis de surmonter leurs craintes et leurs angoisses quant à la façon dont ils gèreraient leur retour sur le campus hétérogène de l'université en temps de guerre.

Bien que le cours se soit achevé en janvier, son impact perdure, semant les graines du changement sur le campus. Financés par l'Alliance de Recherche et de Formation de l’Université de Toronto et de l’Université hébraïque de Jérusalem ainsi que par des donateurs privés, dix récipiendaires de bourses ont été sélectionnés pour continuer à développer l'espace sur le toit comme lieu de dialogue permanence, d'échange multiculturel et d'engagement communautaire. Les projets pour l'espace comprennent une salle de classe ouverte, des activités culturelles, une serre prospère, et des projets collaboratifs supplémentaires axés sur l'inclusion et le dialogue interculturel.

Ester Kremer, une étudiante israélienne orthodoxe juive en travail social qui a participé au cours et a fait partie des dix bénéficiaires de bourses, décrit ainsi son expérience : « J'ai non seulement acquis des connaissances, mais aussi trouvé un espace de discours, d'action, et de relations. C'était un voyage d'apprentissage et d'action, d'amitié et de création, et chaque étape m'a enrichie».

Les collaborations avec des organisations internes et externes telles que le jardin botanique de l'Université hébraïque sur le Mont Scopus, le Centre d'art et de recherche Mamuta, et l'Organisation du toit ont encore amélioré l'expérience, mettant en lumière l'interconnexion des efforts de la communauté académique.

De plus, l'initiative de la Terrasse verte souligne le rôle essentiel de l'université dans la promotion du dialogue et de l'échange multiculturel. Grâce à un engagement significatif, ce cours a remis en question les récits prédominants de peur et de division, offrant aux étudiants l’horizon d'un avenir plus prometteur. Le Dr Rotman conclut ainsi : « Par le simple fait d'être ensemble, nous défions nos peurs, comblons les écarts, et remodelons la réalité qui nous entoure ».